• Deux jours seulement à la maternité et nous rentrons déjà à la maison. Le plaisir est immense d’être chez soi avec la nouvelle venue et ma femme. Et il est décuplé par la joie qu’ont les enfants d’avoir enfin leur petite sœur à la maison. Le repas est animé, les enfants rient et se précipitent sur leur sœur pour lui remettre sa tétine en place dès qu’elle commence à geindre. Elle est très tranquille pendant toute la durée du repas, laissant par compassion ou par calcul sa mère manger à sa faim.

     

    Plus tard, après deux longues tétées, ma femme m’appelle pour que je prenne le relais afin qu’elle puisse se reposer. Je la prends sur mon épaule, descends les marches de l’escalier et arpente les pièces de la maison, ivre de cette sensation oubliée mais jamais vraiment disparue de sentir le prolongement de sa chair respirer tout contre soi. Mais cette fois, c’est encore un peu différent : j’ai à la fois le plaisir brut de sa présence et celui un peu plus diffus mais pas moins intense des souvenirs des deux autres.

     

    Le poids de l’amour que j’ai pour mes enfants n’est pas toujours facile à porter. J’ai souvent l’impression qu’il est trop vaste pour moi et que n’avoir d’autre choix que le faire tenir dans l’espace limité que constitue mon corps me fait souffrir. Je ne veux pas non plus les embarrasser de ce trop plein tant il est vrai qu’ils ont davantage besoin d’être aimés mieux que d’être aimés plus. Alors, pour soulager ma douleur, je noircis quelques pages de ce blog, dans l’espoir qu’ils puisent un jour dans cet amour contenu la force d’affronter les malheurs de la vie.


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  • Vendredi après-midi : ma femme vient d’accoucher il y a quelques heures et mon beau-père nous rend visite, accompagné de mon fils cadet, orphelin pour une fois de son grand-frère parti en classe de neige. Cela fait des années qu’il attend d’avoir un petit frère ou une petite sœur et il n’a pu retenir des rires d’émotion lorsque nous lui avons annoncé la nouvelle au téléphone.

    Il contemple avec une sorte de curiosité mêlée d’émerveillement cet être qu’il a eu tant de fois l’occasion d’imaginer qu’il commençait à douter qu’il pût être réel. Elle est encore un peu jeune pour lui rendre ses regards et arrive à peine à ouvrir les yeux. Mais sa présence suffit à son bonheur. Pour l’instant en tout cas, car après quelques minutes où elle semble s’impatienter, je commence à lui chanter quelques comptines.

    Mon fils cadet écoute religieusement. Elles sont bien trop récentes pour qu'il les ait totalement oubliées et bien trop lointaines pour qu'il s'en souvienne encore par cœur. Je le sens à la fois ému et pensif. Et son désir soudain d'aller se blottir contre sa mère étendue dans son lit le confirme.

    Sa petite enfance ressemble de plus en plus à un cimetière dans lequel on creuse chaque jour de nouveaux tombeaux. Lui qui hier encore était le plus petit de la famille ne s'est jamais senti aussi grand. Et il commence à comprendre malgré lui que grandir, c'est nécessairement mourir à quelque chose. Sans tristesse, mais avec une gravité que je ne lui connaissais pas.

     


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