• Sacro Gra

    Un périphérique saturé que borde un no man's land, un comte qui loue ses fastueux locaux pour des romans photos, un pêcheur d'anguilles, un ambulancier, des comédiens de seconde zone ou des danseuses de bar miteux.

    Dans son film, Gianfranco Rosi a choisi de nous montrer une Rome inattendue, méconnue, pas celle du centre historique mais celle que ne visitent pas les touristes, celle qui se trouve au-delà du Gra (gran raccordo annulare), sorte d'immense autoroute circulaire desservant la périphérie de la capitale.

     

    Mais l'insolite n'est jamais montré pour lui-même. Il y a quelque chose de profondément pudique dans la façon qu'a Rosi de filmer l'intimité. Les prostituées ne sont pas montrées en train de racoler, elles ne sont pas interviewées non plus. Elles sont sans cesse dévêtues de leur fonction par le cinéaste qui s'attache à filmer leur quotidien. Et elles nous racontent beaucoup plus d'elles-même lorsqu'elles mangent leur sandwich dans leur van ou qu'elle fument leur cigarette au milieu du bruit des voitures.

     

    Sacro Gra, c'est l'inverse de la télé-réalité. Rien de sensationnel dans ce paysage original. Rien d'extravagant chez ces personnages singuliers. Ce n'est ni le règne de l'anecdote, ni celui de la révélation mais plutôt celui de l'infraordinaire si cher à Pérec.

    Les personnages du film sont d'une grande dignité et leur plainte ne vire jamais à l'épanchement. Même quand l'une des prostituées, s'exclame, entre deux bouffées de cigarette, « c'est une vie de merde », c'est davantage un constat qu'un regret.

    Les appartements qui entourent le Gra, filmés en contre-plongée, ne nous invitent pas, comme dans Fenêtre sur cour, à observer la vie des gens comme un voyeur mais plutôt comme un Dieu compatissant et impuissant, las de ne pouvoir intervenir mais heureux de prendre des nouvelles de ses enfants. Notamment de ce père qui vit seul avec sa fille et qui aimerait la voir avec un homme avant de mourir.

     

    Le film s'ouvre et se referme sur les recherches d'un cultivateur de palmiers qui s'évertue à trouver un moyen d'empêcher les larves de ronger ses arbres. C'est le chiasme de la vie : celui de sa circularité représentée par le Gra autant que de sa finitude.

    Les images sont souvent époustouflantes et leur agencement parfois génial. La façon de filmer intelligente sans être mise en avant. Le film est tellement beau qu'il serait déjà bon s'il n'était qu'esthétique. Mais il ne s'en contente pas. Le sentiment fraternel d'appartenance au Monde vient s'ajouter au plaisir purement contemplatif.

    On n'y découvre ni Rome ni les Romains mais l'autre Rome, celle que nous habitons tous, et dans laquelle on se découvre soi-même un peu plus en tant qu'être humain.


  • Commentaires

    1
    Lionel
    Samedi 29 Mars 2014 à 18:07

    Un film sur la banlieue parisienne, version tiers-monde latin dirait-on.


    Ca me donne envie de le streamer, en lisant L´Ano tre mil.

    2
    PAP
    Samedi 29 Mars 2014 à 21:55

     

     

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    3
    Vendredi 4 Avril 2014 à 00:15

    @ Lionel:

    "il più grande film del mondo" aurait dit Paolo Mantegazza.

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