• Déni de détresse

    A la fin du repas, mon fils cadet commence, en lançant à ma femme un regard complice, à raconter comment était la vie avant que mon fils aîné arrive. Ma femme fait semblant de se souvenir, confirme ses dires, répond par l’affirmative à ses questions tandis que son grand frère le laisse faire et écoute même, un brin amusé, ses affabulations.

     

    Une fois qu’il a terminé, mon fils aîné raconte à son tour, sur un ton plus sérieux, ses souvenirs d’enfance. Comment était la vie avant d’avoir un petit frère. Puis ce qu’elle est devenue après. Il commence par des choses gaies puis évoque tout à coup l’impression étrange de ne plus être aimé de la même façon. De sentir qu’on n’avait plus de temps pour jouer avec lui.

     

    Ma femme parvient, par quelques questions simples et pertinentes, à lui faire mettre des mots sur ce qu’il a ressenti : « j’étais plus le petit et du coup j’avais l’impression que vous aviez oublié qui j’étais. C’est ça que j’aime pas dans grandir, je deviens trop lourd, trop grand et vous pouvez plus me porter. C’est nul d’être grand. »

     

    D’autant plus nul, en effet, que ça ne préserve même pas les parents de la naïveté de penser que, parce qu’on ne manifeste aucun signe de jalousie, tout va bien. Ni même du sentiment, à 10 comme à 40 ou 70 ans, d’être toujours et avant tout le « petit » de ses parents.


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :