• Avec le temps

     

    J'oublie souvent que le temps n'est absolument pas le même pour moi que pour mes enfants. Petit, lorsque mon parrain s'apprêtait à partir après avoir passé quelques jours à la maison, je m'accrochais rageusement à n'importe quelle partie de son corps pour le retenir. Mes parents y voyaient un jeu puéril, c'était un vrai désir de le garder, l'impossibilité d'envisager le temps infini qui s'écoulerait jusqu'à sa prochaine visite. « Il va revenir bientôt » me disaient-ils, ne comprenant pas que ce « bientôt » ne me concernait pas, qu'il ne correspondait qu'à leur propre représentation du temps.

     

    Hier soir, à table, mes deux fils se sont raconté ce qu'ils avaient mangé à midi dans le détail, ou plutôt devrais-je dire par le menu. J'écoutais d'une oreille distraite puis peu à peu j'ai compris. J'ai compris que si je voulais en savoir davantage de leur journée, c'est par là que je devais commencer. Par cette précision concrète qui faisait que chaque jour était différent plutôt que par un trop vague « alors comment s'est passée ta journée ? » qui ne s'achevait jamais qu'en adverbes évasifs, « bien » ou « pas mal ».

     

    J'ai essayé de faire ce voyage avec eux, celui de l'enfance, où chaque journée est un morceau de vie au regard de leurs quelques années d'existence. J'ai souri à leurs récits. J'ai presque réussi à vivre quelques instants selon leur point de vue. Puis j'ai pensé à ce qu'il me restait à faire. Le coucher de la petite, le bazar à ranger, les mails non consultés, le travail en retard.

     

     

    Le repas était terminé. Mes enfants parlaient toujours, au loin. Je raisonnais de nouveau comme un adulte. Demain, promis, je parviendrai à saisir ce temps qui passe.

     


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